Trois fois murmuré

Je serais ce violoniste
Qui joue à la fenêtre
Derrière les volets bleus
Ma musique monterait jusqu’aux nuages
Et la tristesse glisserait
Sur mon costume jusqu’à terre
Où elle dessinerait une tache de deuil.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La beauté sortirait à peine de l’eau
Je viendrais la sécher
Avec des éponges bleues.
Je jetterais à ses pieds des bouquets
Trop vite coupés.
Et je pleurerais de son parfum évanoui.
Elle ne bougerait pas,
Ni statue, ni femme,
La beauté lointaine sortie de l’eau.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

La souffrance tombait de ses épaules arrondies
Sa robe de lin décelait les sanglots accumulés
Elle se taisait et retenait ses mains sur ses cuisses fermées.
Greta sortie de l’enfance bourgeoise
S’enferme dans le deuil du désir.

Trois fois murmuré
Trois fois dessiné
Trois fois perdu
Il est là dans mes rêves verts
Il est là dans les rues violettes
Il est là dans la vie noire.

Texte: Corinne Valleggia
inspiré d'Henri Matisse: Le Violoniste - Le Luxe - Portrait de Greta Prozor
mis en scène dans Galerie Amavero

Le Vénérable des chênes

Le vénérable des chênes, la plainte du vent dans la chevelure des cyprès, la pluie qui incante sur le toit vieilli d’une grange : tout, je veux tout garder de cet automne que je vis à cloche-pied et en bottes en caoutchouc et qui me mène gaiement à mes cinquante ans, ce printemps de la sagesse au goût d’enfance et de madeleine de Proust.
Dans ce terrain de vie sublime et cruel qu’est le monde, je déclare avec force qu’il nous faut faire feu de toute joie.
Oui ! Vivre jusqu’à l’ivresse, tirer le vin du plaisir jusqu’à plus soif, refuser la pesanteur du présent qui fige et sclérose dans un désenchantement mortifère et aimer chaque jour ses inspirations miraculeuses et ses expirations délivrantes.
L’âme saura-t-elle retrouver l’émerveillement des premières fois ?
Aimer est simple.
Il suffit de jeter sa tendresse infinie vers chaque acteur du vivant, de l’arbre à l’oiseau et de l’oiseau à l’homme.
L’homme dans toute sa pluralité.
C’est d’abord rencontrer le singulier et la magie en soi.
C’est tomber en amour pour l’âme que l’on abrite.
S’aimer !
L’aventure de toute une vie que de se défaire des attentes d’autrui, de cesser d’espérer ce qui n’attend que d’être conquis, de guérir de ce qui parait inconsolable.
A force d’abandon, la femme que je suis a retrouvé la fillette espiègle qui, du haut de ses huit ans, maîtrisait la nuit et les dragons de la rivière de sa grand-mère, l’enfant rêveuse qui cherchait le monde derrière le miroir énigmatique des flaques et sautait à pieds joints dans l’inconnu.
C’est tout un apprentissage, adulte, de redevenir un enfant.
Relisons donc le Petit Prince, du grand émerveillé devant l’Éternel qu’était Antoine de Saint-Exupéry.
L’enfance est le vivier inépuisable des possibles, presque une résistance dans un temps qui l’écourte et l’ébrèche comme pour nous empêcher de profiter de ses trésors.
Alors, soyons vieux mais soyons fous.
Dansons comme des funambules sans penser à la chute.
Que le jour qui point vous soit fête.
Je pars jeter mes souliers dans les flaques.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Virginie Roques
Œuvre : Childhood - The Then Largest , de Hilma af Klint

Le Jeu de l'arbre

Un arbre planté dans un square
Ombrage les boulistes du soir.
Se prenant parfois un coup de métal,
Il tient bon lorsque ricochent
Sur ses écorces solides
Des boulets reflétant
Ses racines sur la terre noire.

Et dans ce square vivant
Des bancs attendent des conquêtes,
Cœurs mûrs, seuls ou entourés,
Regardant les joueurs
Faire vibrer le sol
Jusqu'à la pointe des cimes.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte: Paul Artaut
inspiré de l'œuvre: Voyage urbain, de Lucas Ribeyron

Korax

Moi, j’aimerai être un corbeau,
premier initié du dieu taureau,
tout droit venu d’Orient,
directement de l’ancien Iran.

Moi, j’aimerai être corbeau,
Initié dans le respect
des secrets de ces solides
amitiés

Moi, j’aimerai être corbeau.
Mithra ne veut pas
qu’on parle de tout ça.
Être sans voix
Fait donc de moi un roi

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Hugo, poète sans voix #hugopoetesansvoix
Inspiré de : Cop 27 – Autoportrait, de Jam -  Toile sur chassis -  Techniques mixtes fusain, encre, acrylique, café - 30 x 40 cm - https://jam.creative-diffusion.com/

La Poule qui radote

Cot cot
Cocotte
Cot cot
Cocotte

Dans la basse-cour,
La poule caquette
Les mêmes sornettes
Encore et toujours.

Les animaux excédés
Lui ont pourtant demandé
De changer enfin, un jour,
Le sujet de son discours.

Pourtant la poule, un peu obtuse,
Sait bien pourquoi elle refuse
De changer l’objet de ses gloses
Et de discourir d’autre chose.

Par crainte pour ses organes,
Elle est, vous le comprenez,
Épouvantée à l’idée
De passer du coq à l’âne.

C’est pourquoi toujours
La poule caquette
Les mêmes sornettes
Dans la basse-cour

Cocotte
Radote
Cot cot
Cocotte

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte: Bernard Denis-Laroque
illustré par: Pascale Bordet

Ballade pour Geneviève Guevara

Dans ce ventricule, je me recentre dans toutes mes énergies positives,
Je regarde mon intérieur pour illuminer mon extérieur,
Je pullule de fluides qui veulent peindre l’amour fœtal,
J’unis mes vers pour être sur la même longueur d’onde,
Nous sommes en haute fréquence, nous nous rejoignons dans cette vie,
Cher Ange terrestre, un nouveau cycle recommence,
Tu représentes des “ba” ventres, des “ta” de centre d’intérêts, des “tha” de moi (*),
Je vois cette échappée belle dans le bleu cyanotype éclairé de lumière,
Le chiffre 5, mon nombre numérologique, est une synchronicité dans ce médusarium,
Ces flagelles en cytoplasme sont des vers luisants photoplaton (**),
Il nait des néologismes de références, de sciences humaines,
En abondance, du surréalisme, du prisme multivers,
Une philosophie de vie autodidacte dont les tableaux sont des mantras,
La voie philharmonique à suivre, une balade avec Geneviève Guevara.

(*) ba, ta, tha : lettres de l’alphabet arabe (b, t, th)
(**) photoplaton : néologisme en référence à la faculté visionnaire de Platon de voir loin, dans son instant présent qui est au passé pour nous.

Mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Angélique Leroy
Inspiré de : Ascension, de Geneviève Guevara - 2023 - acrylique sur toile - 80 x 60 cm 

Souffle de vie

Si tu pouvais arrêter le temps,
Que retiendrais-tu de nos moments ?
Si l’air se figeait, rien qu’un instant,
Que garderais-tu absolument ?

Le frisson de nos premiers baisers ?
Nos étreintes un peu trop exaltées ?
Ou mon dernier souffle à tes côtés
Aussi léger qu’une brise d’été ?

Fixerais-tu nos mots insufflés
Aux quatre vents de l’éternité ?
Et nos envies toujours conjuguées
Au temps qu’il faisait, hiver comme été ?

Quand le monde cessera de tourner,
Je prendrai une grande bouffée d’air
Et la scellerai à tout jamais
Dans tous les contenants de la terre.

mis en scène dans Galerie Amavero
Texte : Élise - Les petits mots - son site et son instagram
Inspiré de : Petit Souffle, de Léa Dumayet - aluminium, 30 x 30 x 1cm - 2023 – son instagram

Femmes qui dansent

dans la ferveur de leur corps – elles dansent et dansant sont
comme une extension de la chair augmentée par la lumière
elles appellent l’été la chaleur et la couleur et leurs joues – leurs joues prêtes au baiser à l’amour au plaisir
leurs joues soudain rosies par la moiteur et séchées dans l’air doux qui frémit dans leur cœur
ainsi elles toutes – toutes nues – toutes offertes
à nul autre qu’à elles et
elles dansent
comme dansent les nymphes et les muses elles – elles qui dansent et qui dansent au-dedans de leur corps –
elles toutes qui s’agenouillent
là – devant leur dieu – un seul – l’orgueil
à l’autel sont pareilles à l’appel de la sève
tout en elles s’éternise et s’impatiente
comme on double d’un autre ce qu’on est en-dessous dessous la peau dessous l’os et encore en-dessous
elles – miroir éclaté qui se réfracte dans les rayons du soleil


mis en scène dans Galerie Amavero art et poésie
Texte : Chloé Charpentier 
Inspiré de : La Joie de vivre, de Clémence Pierrat

credo non credo

je ne crois pas aux rimes éternelles
à la vérité blanchie par les ans
aux serments ritournelles
aux adorateurs tremblants

je crois à la douce larme
à la beauté de l’instant
au rêve révélateur d’âme
malgré toi

je ne crois pas au vacarme du passé
simple voie du hasard
et de préjugés
repeuplant le présent

je crois que rien n’est infini
rien n’est certain
tout en devenir
même l’amour

je ne crois pas à l’histoire
usine à mensonges
toujours en retard
sur la vie qu’elle écrit

je crois à la divine fragilité des mots
à la chaleur persistante du corps
à la jeunesse ardente
aux heures indécises
quand le jour assombri
ne sait pas encore
qu’il est devenu nuit

je ne crois pas aux danses infidèles
à la sagesse miracle
paravent de lâcheté
aux souvenirs sepia
des émotions volées

je crois à l’intégrité de l’âme
reçue comme un don
mûrie par l’effort
peuplée d’instincts
et de sensations

je ne crois pas au destin imposé
par la volonté imparable
d’une raison impératrice
tout est construction
par l’imagination

je crois à la force invincible
du cœur meurtri
à la parole de l’ami
perfusion de vie
au soutien des vents invisibles
qui te maintiennent debout

je crois à un avenir
construit sans promesses
je crois en toi
malgré mes faiblesses

Texte: Luc Fayard
voir une mise en scène dans Poésie de l'art
et une autre dans @lucfayard.poete
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier