les mots

galets plats bondissant
sur l’eau trouble
d’un lac de pensées
toile d’araignée
de sentiments croisés
entre indicible et non-dit
permanent jeu pervers
du son et du sens
esquisses imparables
de beauté révélée
notes seules fusant
vers la cible lointaine
ou gaiement accolées 
en résonnance
signes obsolètes
à peine dessinés
dans le labyrinthe touffu
de l’âme à la raison
étendards bariolés
portant les écussons 
de la liberté conquise
rochers de marbre
en taille directe
ou bijoux ciselés
au poinçon d’artisan
vagues séquentielles
sur la mer houleuse
des désirs enchaînés
méandres menant au but
par des détours obligés
ou lignes imparables
de traits volontaires
truelles de l’éternel
puzzle de vérité
nuages pépites d’un ciel
aux reflets de lumière
trésors accordés
à qui veut ouvrir
leurs serrures naturelles
posez-les sur un cercle
libres et solidaires
les mots vous habiteront
à jamais

grand chapiteau

entrez mesdames et messieurs
sous le grand chapiteau
du cirque de la vie
venez par ici
vous qui avez vécu
la vie de haut en bas
ces choses-là
que vous allez voir
vous savez qu’elles existent
indicibles et secrètes
vous les avez connus
ces petits riens 
ces grands moments
mais vous les avez perdus
avec le temps

alors entrez dans le village 
des sentiments vrais
vous n’oublierez pas 
cette odyssée 
ce retour 
aux sources de l’homme pur
on vous le jure
un parcours impossible 
mais pourtant réel
les preuves les voici

que battent les tambours
que se lève le rideau rouge
du grand chapiteau
ici vous verrez vous toucherez
vous sentirez vous entendrez

l’amour qui se renforce 
au fil des ans
comme un rocher poli
par la marée
le sourire donné à l’autre
sans demande en retour
et qui éclairera sa vie
la différence acceptée
au milieu de tous
comme si de rien n’était
l’écoute attentive 
à la parole sincère
les gestes doux des mains
plumes légères
qui se frôlent délicatement
les sourires en miroir
se répondant en silence

enfin et surtout vous verrez 
le soir discret tomber
comme un voile de mariée
sur les maisons réchauffées
la nuit qui s’égrène lentement
sur un tempo différent
et le matin qui dit bonjour
en baillant

cette route de la vraie vie 
rien que pour vous 
la voilà la voici 
sous le grand chapiteau
du cirque de la vie

et qui sait 
si vous avez gardé en vous
une bribe d’âme sans âge
peut-être pourrez-vous
reprendre ce voyage 
et qu’il dure toujours

illustré dans Poésie de l'Art par un montage de trois images IA créées à la demande

auto-portrait

pelures d’oignons
cercles concentriques
lignes parallèles
couches superposées
sarments alignés
traits pointillés de la pluie
qui en morse seraient
autant de SOS
les yeux tournés vers là-bas
la ligne noire d’horizon
séparatrice de mondes
l’abysse et l’infini
myriade d’étoiles
trous noirs du passé
mots non dits
pleurs refoulés
envie d’amour
et de sourires
jour après jour
vivre sans lendemain
impossible
alors gratter
avancer
ne pas tourner en rond
chercheur de beauté 
et de simplicité 
faire jaillir l’étincelle
à défaut se contenter
d’une allumette
lumière lumière

Texte : Luc Fayard
inspiré de : Autoportrait, de Bernard Noël (1986)

Hommage à Magritte

Dany a des livres plein la tête.
Des livres savants,
Des livres d’enquêtes,
Des livres à l’eau de pluie,
A l’eau de rose,
Certains qu’on utilise comme parapluie
D’autres qu’on pose…
Et qui calent une porte, ou un creux.
Des livres que l’on dévore,
Dont on tombe amoureux.
Certains dont on se lasse avant la fin,
Certains qui nous agrippent par les mains,
Avec lesquels on danse jusqu’au petit matin.

Des livres,
Aussi discrets qu’un sémaphore,
Aussi secrets qu’une métaphore,
Aussi dévorants qu’un rébu
s De Magritte au début,
Puis mystérieux sur la fin,
Avec un goût de jamais lu.
Des histoires d’art et d’épées,
De capes et d’été,
De soleil qui vous toisent,
Et puis de mer d’Iroise.
Des livres en somme !
Qui emplissent la tête,
Que dis-je ? Le cœur des hommes.

Texte: Léa Cerveau
inspiré de
Hommage à Magritte, de Dany

trait noir

trait noir d’horizon
surmonté d’un demi-cercle
qui deviendra cercle
se hissant lentement
fatalement 
le plus haut possible
dans le ciel
tous les jours
jusqu’à la fin du monde

au-dessus la voûte bleue 
en-dessous le vaste foncé 
glissant parfois vers le vert
entre les deux univers
de fines couches orangées
tampons ouatés
entre deux mondes

tous les matins sans musique
à l’heure à peine glissante
se déroule la même lente 
et belle cinématique

rien ni personne d’autre
pour la goûter
pas même un cri d’oiseau
silence de pleine mer
sauf ce léger bruissement
de brise tiède
aux multiples futurs

et si en plus ce jour-là
la mer est plate 
l’homme vivra
il le sait
la seule expérience possible
du paisible infini

conscient de son humble position
invité du dernier rang
quand la nature oxygène 
l’âme du marin
il respire sans fards la splendeur 
du plus beau spectacle du monde

chaque jour
minimaliste 
le même scénario
et pourtant chaque jour 
une émotion différente
étreinte de vérité
crainte de faiblesse
offrande de beauté
mystère de demain
bout d’éternité 
dans un bout d’âme
fenêtre ouverte 
sur l’absolu

debout sur le pont 
tête haute 
main serrant la filière
dire merci

parfois à l’aube
les couleurs grimacent
vers le plus noir
le vent a choisi de forcer
la mer aussi se fonce et bouge
secouée par en-dessous
du bruit plein les oreilles
ça siffle et ça tape
beaucoup de travail
les mains prises
pas le temps de rêver
mais le marin le sait
là-bas derrière la brume
et la barrière de pluie
même dans le gris
et la lourde fureur
le disque se lève encore
et encore

immuable beauté 
de la nature
sans spectateur

Texte: Luc Fayard

atomes d'astres

regarder vers le ciel
une nuit de beau temps
et dans la lumière scintillante des astres
ne voir que la vérité
figurant objets
personnages
allégories
rien d’autre
pas de religion
ni de morale
du bien et du mal
rien que le passé lointain
brillant encore
qui te dit non
tu ne viens pas
de nulle part
dans ton corps vivent
des atomes d'astres
des bouts d’étoiles mortes
ne les laisse pas mourir
une deuxième fois
comme nous là-haut
bêtement vieillies
par le temps
ainsi quand tu partiras
un souffle d’éternité
pourra s’échapper de toi
et montant vers nous
il nous rajeunira

Texte : Luc Fayard
inspiré de :
Astre, de Clara Daguin (Église Saint-Eustache de Paris, janvier 2024)

La Galerie Amavero vous présente ses meilleurs vœux d'art et de poésie pour 2024 !

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