il faudrait

il faudrait que le vent
poussant les montagnes
et les grands icebergs
bâtisse le couloir
d'un passage abrité

il faudrait que la main
saluant comme une feuille
emporte avec elle
la pensée vers le ciel
dans un infini tournoiement

il faudrait qu’un sourire
pose du bleu sur le gris
venant calmer à point
les ardeurs opiniâtres
des accents aigus

il faudrait étreindre les arbres
pour que leur frémissement
nous parcourant le corps
nos pieds prennent racine
dans l’histoire du monde

il faudrait brûler les regrets
dans un grand feu de joie
pour que chaque crépitement
signe une victoire nouvelle
sur la fatalité

il faudrait que nos doigts
enfin rejoints créent
l'invincible lumière
empêchant la nuit
d'étendre son manteau

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

Texte: Luc Fayard

brume

l’œil handicapé
l’oreille prend le relais
la brume en mer
c’est d’abord des sons
la corne pour dire attention
la cloche sur la bouée
ou à l’entrée du port
quand il ne voit rien
le marin craint les sirènes
ensorcelantes d’Ulysse
ou les monstres marins
Charybde et Scylla
alors il chante
pour dire à la mer
qu’il n’est pas encore mort

inspiré de : Le chalut dans la brume, d'Hélène Benayoun


être et matière

l’être et la matière
se ressemblent
tellement
qui est vivant
qui bouge vraiment
où est la réalité
peut-être la trouvera-t-on
d’abord et surtout
dans notre esprit
sensible à la création
dans notre vision
d’un monde capable
d’accueillir en son sein
une éternité statufiée
plus vraie que la vie
inspiré de : Manechs, de Pascale Catoire

quatre actes

la branche et l’algue
le ciel et la mer
l’herbe et la mousse
le ruisseau et la montagne
on entend tous les chants
le cri étonné des oiseaux
le ruissellement soyeux de l’eau
le frottement tiède du vent
tous les actes de la vie
joie ou tristesse
espoir ou peine
se jouent en quatre actes
inspiré de quatre acyliques, de Martine Durou

trois arts

dans un jardin de splendeur
la musique chanta
les pinceaux frémirent
les âmes s’envolèrent
sur une eau lisse
trois fois ravies
par trois arts en partage
célébrant la naissance
d'un moment unique
où savourer le plaisir
des sens en fusion
crée une émotion vierge
inspiré de : Au fil de l'eau, de Martine Durou
et d'une belle journée où ce miracle eut lieu, frâce à l'association de Chaville, L'Art en partage

petit avion

j’aimerais tant
être un petit avion
souple et vif
capable de pirouettes
et de farandoles
planant éternellement
sur les champs de lavande
les lacs les montagnes
égal du ciel
et des oiseaux migrateurs
les nuages me salueraient
avec respect
à la fin du voyage
je me poserais sur terre
dans la poussière
avec lenteur
dans un dernier regret
de la vie en hauteur
inspiré par : Mary, de Céline Verdière

bécasse

coiffé de son vieux chapeau
le chasseur est parti tôt
avec chien fusil besace
à l’heure qu’il aime
dans la brume et la rosée
l’herbe haute cachait ses secrets
sauf au chien qui s’est arrêté
l’homme était prêt
l’attente a duré longtemps
et quand la bécasse au long bec
a démarré son vol un peu lourd
un seul coup de fusil a suffi
voir l'œuvre et l'artiste qui m'ont inspiré ce poème : Nature morte à la bécasse, de Christine Bataille

elle joue la nuit

elle joue
et par la porte ouverte
les notes du piano fuient
je les regarde
s’envoler dans la nuit
sur un tempo lent
caresser les nuages blancs

elle joue
et le temps s’arrête
de respirer
moi aussi
partagé
entre nuit grave
et musique aigüe

elle joue
et ne sait
sa grâce à elle
pour moi
tout ce qu’elle touche luit
ses mains créent la lumière
de mon chemin d’élu
balisé dans la nuit

elle joue
et le vent profite d’un soupir
pour pousser le sien
moi aussi
musique et nuit
sœurs jumelles
de l’attente

elle joue
et dépêche en l’air
ses notes messagères
points d’interrogations
titubant sans fin
dans la nuit claire
de ma tête étoilée

elle joue
et les étoiles alanguies
clignent des rayons une à une
complice le ciel me sourit
dans son halo bleu de lune

elle joue
et sans elle au piano
la nuit ne serait
plus jamais la même
moi non plus
ou je serais la nuit
voir une version un peu différente, en musique, sur instagram

toucher le bout de l'arc-en-ciel

je veux toucher le bout de l’arc en ciel
s’il le faut je prendrais un bateau
mais j’ai peur de me perdre en mer
et d’errer comme un vaisseau fantôme

contemple d’abord ses couleurs
fais les chauffer dans ton cœur
imagine les pays survolés

les gens éblouis la tête en haut

je veux partir je ne peux rester la
l’arc a tracé mon chemin
il me dit viens envole toi
emporte tes rêves qui vont surgir

l’arc lui-même est un rêve
visible de partout dominant tout
mais il n’est qu’un piège de lumière
tu pourrais le traverser sans le voir


je veux danser sur les étoiles
rire avec le vent du chemin
gonfler mes poumons de l’air marin
sentir mon cœur au rythme de mes pas

et l’enfant monta sur l’arc en ciel
et disparut avec lui

Finaliste du Diplôme d'honneur - Prix Europoésie-Unicef 2023

je veux tout oublier

je veux tout oublier
le céleste imparfait
des anciens jours jaunis
d’où rien ne reviendra

ni les pleurs ni les chants
ni la lumière bleue
des matins assourdis
aux accords dissonants

je veux tout oublier
la magie floue du monde
nappant la vie de brume
et de tournis

ma tête en tourbillon
dans un concert sans fin
où je pensais jouer
le naïf éternel

je veux tout oublier
les routes impossibles
et les déchirements
immortels

vite abandonnés
au détour du chemin
pour un nouveau visage
au sourire futur

je veux tout oublier
pour que tout recommence
l’émotion sans souffrance
et le spleen virginal

le souffle d’infini
sous les cieux inconnus
où se cachent les plis
de l’âme mise à nu

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

voir la version mise en musique sur instagram
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier