la brume

je suis l’humide gris
perlant de gouttes
sur le pont salé
je suis le voile du marin
enrobant le navire
pour lui dérober la vie

porteuse de poisse
je suis la fatalité
faiseuse d’angoisse
à qui on finit
par s’habituer

quand je suis là
sans m’être annoncée
anxieux le marin
ne voit plus rien
silencieux aux aguets
l’oreille tendue
il écoute ausculte
car il le sait
je ne pardonne rien
ni l’invisible rocher
ni la boussole affolée

sur la cote floutée
le phare sans veilleur
peut se moquer de moi
mais que m’importe
où son regard porte
tenace obstinée
d’une infinie patience
je tisse ma toile
d’ombre et de destin
posément je déploie 
mon filet de mailles
à l’invisible ouate
enserrant ses proies

pour un temps incertain
sous la loi de l’indistinct
moi juge suprême
j'abolirai la frontière
entre laideur et beauté
pour tout emmêler
sans remords
le jour et la terre
la nuit et la mer
la vie et la mort

Texte de Luc Fayard, inspiré par une photo de Bérangère Costa,
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier