je voudrais vieillir heureux
loin de la ville embrumée
de l’océan de plastique
du tic-tac de la folie
je voudrais vieillir heureux
d’un bonheur stoppant le temps
sur mon visage impassible
cachant un demi-sourire
un tremolo d’harmonica
glisserait des monts poussiéreux
dans le travelling vaporeux
d’un plan culte de cinéma
sans lasso ni whisky
sans bottes ni éperons
sans stetson à bords longs
sans lucky strike ni country
faux cowboy sur sa chaise à bascule
j’aurai le regard perdu au loin
indifférent à tout ce qui vient
sur ma terrasse plombée de canicule
peu à peu dans la moiteur du soir
je sentirais poindre de mon âme
tous les non-dits de ma vie
et je me lèverai pour crier
souffrez sentiments refoulés
voici la vérité indivisible
brûlante comme un feu de gril
écoutez tous la flamboyante réalité
il ne reste rien ni les bruits
ni la tristesse ni la soif animale
ni même la beauté fatale
il ne reste que les pleurs et les cris
et le regret de l’homme imparfait
avare de gestes et de mots
qu’on dût se satisfaire d’être
en trahissant ses idéaux
il faudra embrasser les larges horizons
humer la mer et les vagues
entendre la musique du monde
pour enfin se trouver à sa place
il faudra le vent siffleur sur la terrasse
et le murmure frotté de l’eau
pour que retentissent ces mots
je voudrais vieillir heureux
et que cela se fasse