ode à un porche gris

les années l’ont vieilli il s’en fout blasé
il a du en voir passer des courtisanes et des dandys
des maquerelles fardées des spadassins masqués
et compté les soirs où se croisaient la mort et la vie

combien d’amoureux se cachèrent pour une étreinte tendre
leurs fronts côte à côte appuyés sur le verre jauni
derrière l’œil-de-bœuf éclairant faiblement une soupente
combien de jeunes filles pauvres ont soupiré sur leur vie

la porte aux montants majestueux vous dit de sa hauteur
passez votre chemin manants peuple de la rue
ici ne vivent que d'honnêtes gens de vertu
qui protègent les secrets d'un sobre bonheur

on ne voit plus la sonnette qui alertait le gardien des lieux
donnant l' accès à l'ilot de la cour aux appartements cossus
cerbère tout puissant de vos destins domestiques heureux
sans lui vous resteriez dehors craintif frigorifié menu

et siècle après siècle les destins ont passé
laissant leurs encoches entailles et fêlures
avec le temps le porche est devenu moins dur
et comme nous le voici gris blanc et courbé
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier