elle est partie
ne laissant dans la maison vide que l’écho de ses pas pressés
un sillage invisible ses cheveux ondulants
les molécules d’un parfum chaud sa peau
le souvenir d’un murmure rauque sa voix chantante
elle est partie
et tout s'est arrêté
dans les vases les fleurs ne respirent plus
aux murs les tableaux penchés font grise mine
le piano ne frémit plus d’une corde
sur les étagères les livres s’affaissent dans la poussière
le chat se terre sous le lit
mais quand reviendra-t-elle
remplie de ses indices statufiés
momie ébahie
la maison vide retient son souffle
dans une chasse au trésor de l'amour
traqueur il cherche des pistes
comme la fumée est l’indice du feu
la larme qui glisse sur la joue
l'annonce de la souffrance
la trace de pas sur le sable
le reste de quelqu’un venu marcher là exprès
mais ici pas de marque sur le parquet de la chambre
et pourtant il y voit encore ses pieds nus de danseuse effleurer le sol
glissant comme sur un tapis roulant
mais quand reviendra-t-elle
partout où il tourne son regard
il ne voit qu’elle
comme s’il n’avait jamais habité ici
dans le salon c’est là qu’elle s’asseyait près de la fenêtre
souvent elle poussait la table d'un geste las
pour se rapprocher de la lumière du jour
sur le meuble se dessine encore un contour dans la poussière
là où trônait son ordinateur blanc
il clignotait la nuit comme un phare pour dire
dormez-bien jeunes gens je veille sur vos amis
dans la chambre il entend le lit gémir
du jour où il s'effondra de leurs jeux
il se souvient de l’air fendu
par ses lents mouvements de taichi
exécutés au pied du lit
où il paressait encore
et là tu la sens la cigogne qui prend son envol tu la vois
murmurait-elle dans une posture interminable
un film au ralenti
de son regard ensommeillé
il finissait par imaginer le grand volatile
aujourd’hui encore de ses yeux tristes
il devine une ombre chinoise dans l’espace vidé de ses gestes
rempli de son absence
l’oiseau s’est envolé dans les nuages
et le monde n’est qu’un néant d’objets sans âmes
mais quand reviendra-t-elle
tiens la voilà
elle était juste sortie acheter des cigarettes
le cinéma qu’on se fait parfois c’est dingue