éloge de l'ombre

bien sûr il a fallu 
que naisse la lumière
mais ensuite l’oublier 
définitivement
ne garder que les demi-teintes
et surtout les jeux les renvois
les non-dits les bégaiements 
avancer sur le côté 
balbutiant

laisser l’âme s’émouvoir de l’obscur
le cœur du soupçon d’un remous

quand ils fanfaronnent
les mots eux-mêmes sont vides
les yeux ne parlent que dans le vague
le sourire s’embellit de l’énigmatique

contempler les aspérités 
pour ne pas s’en blesser
lancer les perspectives en flèches
vers les frondaisons dansantes
ne rien croire d’abord
tout imaginer
écouter le vent 
quand il trouble la pluie
profiter de la fraîcheur 
entre jour et nuit
quand la vie prend le goût 
d’un grain de sel glissant
sur la peau  lentement

de l’amour 
ne retenir que ses frôlements
les débuts les bruissements
les senteurs de jeunesse
les longs silences rapprochés
l’attente poignante de la rencontre
l’éternité de l’instant

dans la nature 
et dans l’homme
étudier sans cesse 
le meilleur contraste
la ligne de fuite 
évasive et décidée
qui dessine l’arrière-plan

dans les mystères brumeux
déformer la silhouette du temps 
celle des passants
et de l’espace
suivre les traces 
des fantômes blancs

et sentir la liberté t’envahir
à pas de géant

Hommage à Junichiro Tanizaki

Finaliste du Diplôme d'Honneur - Concours Europoésie-Unicef 2023

illustré par 
Nocturne in Black and Gold - the Falling Rocket, de James Abbott McNeill Whistler ou bien par Mystère et mélancolie d'une rue, de Giorgio di Chirico
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier