miroir de la montagne

ombre animée des sapins choyés par le vent
pentes bienveillantes à la longue blancheur
et ce silence or et bleu nappant les hauteurs
hantées d'aigles et de gypaètes seulement

là les couleurs et les mouvements se répondent
et se mêlent pour créer de nouvelles vies
de nouvelles formes et là de nouveaux cris
la nature n'est pas un temple elle est une onde

c'est le pays de l'âme aux deux penchants
celui des crêtes aigües noires et hautaines
qui défient les siècles et les vents
et un peu plus bas celui des courbes molles
qui sans cassure s'étendent langoureusement

la montagne est un miroir dans le miroir
vers le bas les lignes fusionnent et bourdonnent
vers le haut elles s'écartent et se taisent
la vallée absorbe tout dans son cirque

sur la neige il ne reste que le crissement de ton pas
rythmé par ton souffle étonné tendre
quand tu vois les traces de l'oiseau cendre
et que tu pleures ce qui se vit sans toi

les faitages des chalets créent des lignes brisées
qui se répètent comme un dessin d'enfant
fragiles hirondelles sur un fil crispé
vers l'adret les couleurs du bois s'avancent fièrement
et jaillissent de la forêt tels des avant postes
chacun niché sur son promontoire

au village le clocher bariolé proclame sa joie
les rues aussi ont une double nature
elles lancent des flèches vers l'horizon butant sur un mont
ou créent des entrelacs de mystères accolés

la force de cette unité vient de la multiplicité des plans
voici l'avant et l'après voici la nature et voici l'homme
voici le combat et l'harmonie la rage et la prière
ici on ne se perd pas on avance d'un pas ferme

le visage est celui de la terre et des roches
aussi tailladé aussi brun qu'elles
le sourire ressemble à la musique des rivières
l'éclat des yeux éclaire plus loin que toi

ici les gestes anciens ne sont pas oubliés
ni le passé des hommes acharnés
ici le temps ne s'arrête pas il bat
le tempo des pays éminents
où la lenteur est un art de vivre
où chaque pas compte comme une offrande
et si le soupir vient
un regard haut l'éteint

ici le temps respire au rythme des couleurs
et quand l'ancolie refleurit
l'homme s'ébroue et revit
la montagne est un miroir du bonheur
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier