penser qu’on peut exister
comme un diaporama où la pensée nage
sur l’océan bleu des mirages
créés d’instants juxtaposés
dans une vie multi strates
croire à l’obligation d’un sens
créé par le flux des convergences
quand ne vivent que dérives disparates
on voudrait s’imaginer
habitant d’un monde récent
on n’est que nervure de présent
dégoulinant de passé
dans la vie informe
rien ne se crée
rien de secret
ni les espoirs ni les candeurs
ni les sourires ni les malheurs
ni les passions ni les regrets
tout se transforme
même l’amour n’est plus ce qu’il était
alors dites-moi
qui suis-je
sinon l’écriture d’un point d’interrogation
orthodoxe de la fluidité
paradoxe de la futilité
plus on s’interroge moins on sait
et plus on se persuade qu’on existe
sans savoir où on va
ni pourquoi on est là
qui peut me donner l’ambition
d’être au-delà de moi
comment vivre ma vie d’émoi
dans cette impermanence
plus je passe et m’use
plus les questions fusent
quel est le sens de ma vie passée
qui peut me convaincre
que je ne suis pas rien
que je suis vraiment
autre chose que
la goutte d’écume chassée par le vent
l’écorce de terre pendue aux filandres
le zigzag de lumière dans les méandres
le jour et la nuit fondant lentement
autre chose que
les notes de musique s’élançant en spirale
les non-dits auteurs de tensions inutiles
le théâtre obscur du verbiage futile
le brouhaha grossier d’un monde qui râle
autre chose que
ce cri noué dans l’âme
cette pensée en va et vient
cette répétition muselée
comme un bourdon qui plane
heureusement
il me reste un territoire inviolé
mes rêves mes nuits
tintamarre d’absurdités
mélange d’âges et de lieux
voilà peut-être la seule réalité
ce capharnaüm étoilé
vivre c’est rêver
mais je ne suis pas fou
on peut tout omettre
quand il reste la vie donnée
la seule vérité
qui peut rendre heureux
le seul concert audible
ces yeux qui me regardent
comme si j’existais pour eux
ils me sourient ils me gardent
à tous ces futurs je dirai
merci de me tenir en haleine
je ne sais pas où je vais mais
avec vous le voyage vaut la peine