par à-coups mécaniques
cigarette à la main
cheveux cachés dans la fumée
tête penchée
regard flou et lointain
silhouette habituelle
du fond de la salle
les épaules serrées
dans un manteau gris
on ne voyait que ses mains
ses ongles longs et fins
au vernis rouge
comme ses lèvres
lançaient des étincelles
elle buvait
verre après verre
cigarette après cigarette
appliquée
parfois languide
distraite et vague
indifférente
rien n’avait d’importance
hormis boire et fumer
comme si elle dessinait
des cercles dans le vide
de temps en temps
la cendre tombait
sur la table du bistro
où elle la chassait
d’un doigt négligent
comme elle chassait
de sa pensée
les soucis d’aujourd’hui
de son cœur
les regrets du passé
elle buvait
à sa solitude fière
aux amants oubliés
aux chansons entonnées
les soirs de fête
si nombreux
qui ont peuplé sa vie
si longtemps
elle buvait
sans rien attendre
ne levant pas la tête
à la cloche de la porte
n’espérant plus personne
et pourtant dans la brume
qu’était devenue sa vie
ce soir-là à sa table
à l’heure de la fermeture
dans le tintement des verres
le raclement des chaises
et le frottis du balai
apparut dans ses yeux
un léger sourire
qui éclaira doucement
le coin de ses lèvres
et son visage tamisé
en fut rajeuni
Texte de Luc Fayard, inspiré par le tableau Femme buvant, de Gerhard Richter (1968)
Voir la mise en scène dans Galerie Amavero
et son visage tamisé
en fut rajeuni
Texte de Luc Fayard, inspiré par le tableau Femme buvant, de Gerhard Richter (1968)
Voir la mise en scène dans Galerie Amavero