sans artifice

parfois les couleurs
parlent au cœur
sans artifice
sans détour
porteuses de joie
de renaissance
elles exhalent
des vibrations
en ligne droite
dans un désordre gai
mais constructeur
où l’on se tient la main
face à son destin
la vie nous appartient

régate

l’eau clapote
sous les coques
le vent gémit
dans les voiles
les poulies grincent
sous l’effort
il faudra virer
la bouée là-bas
changer d’amure
partir au près serré
qu’importe la victoire
quand les chants de la mer
de la lumière du ciel

camaïeu

camaïeu de couleurs
qui se répondent
sur la table les murs
dans le vase
dans le jeu d’ombres
et de lumière
un dialogue se crée
tout est vivant
la nature
n’est pas morte

lectrice

absorbée par sa lecture
yeux baissés teint frais
chignon rapidement fait
joues rougies par l'émotion
la lectrice est pressée
d’empoigner son livre
on aimerait savoir
ce qu’il raconte
histoire d’amour
ou poésie
Romances sans paroles
vient de paraître
peut-être lit-elle Verlaine
poète impressionniste
de l’extase langoureuse

voilette

chapeau voilette et plaid
la jeune femme s’abrite
et se cache peut-être
on lui prêterait volontiers
une bouille ronde
elle s’insère en douceur
dans le décor
aux mêmes teintes
elle vient de quitter son amant
et s’en va discrètement
sans se retourner
ou bien peut-être
sort-elle de l’église

signes éparpillés

de petits signes
éparpillés
bourgeons prégnants
lumière insistante
infimes frémissements
des frondaisons
le chant des oiseaux
qui devient plus aigu
même le tronc des arbres
change de couleur
de texture de chaleur
partout la pousse pimpante
le printemps est là

siffler

bien choisir le brin
une herbe forte longue
pas trop large
la tendre haut et bas
entre les deux pouces serrés
et souffler les lèvres pincées
pour produire
ce sifflement tant attendu
qui emplit le cœur de joie
alors on est un oiseau
qui vole sur les collines
et domine le pays
la nature est à nous

équilibre

en équilibre
vie suspendue
à un fil une planche
ombres en filigrane
accolées à un mur
tellement haut
qu’il pourrait
gagner le ciel
les grandes œuvres
reposent toujours
sur d’infimes détails

enfant bleu marine

rouge et bleu forts
teintes veloutées
des yeux perçants
comme des phares
l’enfant possède la beauté
d’un caractère trempé
la bouche bien dessinée
il pose pour nous
ferme et tranquille
il sait déjà
qu’il fera parler de lui

meringue

tout est indice ici
on imagine l’activité de pêche
sans bien la voir
les nuages sont posés
dans le ciel
comme des meringues
à l'envers
on suppose que les bateaux
ne sont pas encore rentrés
c’est le calme
avant la tempête
de la criée et de la foule
au loin les cheminées fument
symboles d’une ville industrieuse

fière

la maison trône fière
sur la colline
l’avant-garde solide
de ses balcons de bois
protège ses secrets
elle nous dit c’est moi
qui ait tout vu tout connu
je suis imprégnée d’histoire
de cris et de chuchotements
je sais tout et ne dirai rien
puis elle se tait

cascade

chute d’eau sauvage
émanation mythique
primale
de la jungle
de l’origine du monde
les sens à vif
le cœur ouvert
ici peut-être l’humanité
fut libre et heureuse
dans un pays vierge
habillé de pureté

barques sur la grève

étonnantes disproportions
entre humains et barques
bateaux sur la plage
et ceux sur la mer
homme chétif
tu es grain de sable
poussière de vent
jouet dans les bras
des puissances marines
tu peux t’agiter
elles gagneront toujours
range tes barques
tes filets
va prier les saints
que la mer t’épargne

tout est dit

rien que du simple
au premier plan
une fermière et sa vache
un arbuste un pré
au second plan
un village
aux toits bleus et rouges
au dernier plan
une colline au sommet arrondi
aux champs bien délimités
et l’on comprend
que tout est dit

éloge de la lenteur

ce serait un pays où l’on vivrait
comme dans un film au ralenti
après des heures à se dessiner
jamais plus le sourire 
ne se fermerait sur le visage
dans l’air du matin 
les mains s’écarteraient
sur des cercles imaginaires
chassant les vents contraires
volutes longtemps évoqués
construisant le vide devenu le tout

la marche sans but prendrait la forme
d’un rituel initiatique de respiration
l’esprit ne serait qu’un calme absolu
répandant son énergie dans l'être
peut-être n’aurait-on plus besoin de parler
les rencontres préparées par la pensée
s’étant irriguées de cette chaleur diffuse

la mère caresserait son fils
d’un geste si langoureux
qu’il fermerait les yeux
rêvant au paradis de coton bleu
où les enfants rois décident de tout

les chats toujours plus paresseux
n’en finiraient plus de s’étirer
sur les couettes laineuses
même l’araignée au diapason
tisserait sa toile en un siècle
le long des murs de maisons

dans les jardins multicolores
les fleurs effarouchées
s’ouvriraient mollement
refusant de se dévoiler trop tôt

parfois il tomberait une faible pluie
si douce et venant de si haut
qu’elle parfumerait la peau
des senteurs colorées du ciel

sur la grève peuplée de souvenirs
la marée au rythme lunaire
laisserait aux amoureux
le temps de priser son spectacle

et le vent qui chasse tout en riant
clamerait dans les plaines du pays
sa fierté d'être tiède frissonnant
seul messager du bonheur infini

hommage à Milan Kundera et Carl Honoré
adapté à Femme Nue sur Tortue - La Paresse, de Florence Jacquesson (avec son aimable autorisation)

neige sur les toits

la neige est sur les toits
dans l’air aussi
léger filtre marbré
posé sur le tableau
les persiennes sont fermées
les gens calfeutrés
c’est bizarre
il manque les volutes de fumée
s’échappant en spirale
des cheminées

jaune

pays jaune
cela n’existe pas
un paysage jauni
comme celui-ci
et pourtant
quelle force quelle vie
dans les lignes
dans les formes
et l’eau si présente
qu’on la voit frémir
qu’on l’entend gémir
il fait chaud ce jour-là

architecte

il est sorti
fumer une cigarette
trop de bruit là-dedans
ah ces artistes
en discussion
il goûte un moment
le calme serein
de son jardin
le temps de s'imaginer
un avenir glorieux
d’architecte ami des arts
puis il rentrera
dans le brouhaha
qu’il aime bien
finalement
il en fait partie

inspiré par : Charles Le Cœur (Auguste Renoir)

miroir

l’eau sombre et claire
le reflet de la barque
et des femmes en chapeau
symbole pur
du monde à l’envers
miroir presque parfait
d’un idéal atteint
les poses entre attente
lassitude et concentration
arrêtent le temps
peu importe
ce qu’il va se passer
c’est ce moment parfait
qui compte

sur un banc

jeunes filles rangées
sur un banc de parc
trop sages
lisant ou rêvant
la tête baissée
dur d’être 
le centre du monde
autour d’elles 
tout est vivant
mais flou
sans importance
leur coeur bat fort
et les entraîne loin
celui se souvient
de ses rêves d’enfant
sur un banc de parc
n’est pas tout à fait mort

inspiré par : Sur un banc du Bois de Boulogne (Berthe Morisot)

fruit

fille des îles
douce et pensive
dans ton mouvement
de la rose à l’oreille
fruit mur à croquer
tu penches la tête
pour rêver paresseuse
à ta plage à mangrove
la-bas si loin
où le sable dru
borde la mer houleuse
tu garderas
tes secrets
quand la rose
sera fanée

œil de tigre

un œil de tigre
au grand jamais
vous ne le verrez
d’aussi près
tant mieux pour vous
d’ailleurs le tigre
est difficile à voir
il est tapi
lui il vous voit
depuis longtemps
et il attend

arbre et mer

l’arbre aime la mer
son odeur salée
le sable granulé
qui lui mord les pieds
il se nourrit
du bruit des vagues
du cri des mouettes
il pousse ses branches
le plus loin possible
pour attirer les visiteurs
dans son ombre tiède
nourrie d’histoires tendres
et de passions secrètes

passage

passage entre deux mondes
vers la lumière et l’inconnu
loin des souvenirs lourds ou bleus
des colères et des joies
chemin à déchiffrer soi-même
sans ornières ni frontières
surtout ne pas se retourner
comme la femme de Loth
jetant un fatal regard à Sodome
et pour connaître le sens de sa vie future
il faudra avancer sans regarder
les couleurs si fortes de la vie passée

colonne

elle porte bien son nom
la plantureuse colonna
moderne décontractée
habillée de bleu
comme ses yeux
qui voient bien plus loin
qu’on imagine
qui percent toute vanité
avec elle
il faut être simple et vrai
peut-être alors
vous gratifiera-t-elle
d’un grand sourire
venu de son cœur large

destin

massif concentré silencieux
assis au fond
dans un coin
il ne voit que ses cartes
le monde disparaît pour lui
il commence même à s’effacer
son destin se joue
dans sa main
une fois de plus
il s’interroge
la vie est un pari

silence

épaules ramassées
coudes posés
peu importe le jeu
pas d’argent
sur la nappe
qu’on soit
méthodique ou intuitif
parfois la vie se résume
à des figures
sur une carte
le silence
et la confrontation

beaux yeux

ne cherchons pas à savoir
qui est Justine Dieulh
nul ne le sait
il faut l’imaginer
personne honnête
ou courtisane
t’as de beaux yeux tu sais
du mystère plein la bouche
et le menton fier
le foulard rouge te va bien
sur fond des plantes
du jardin
que seuls les spécialistes
reconnaîtront

guinguette

nervosité du trait
dans le détail qui dit tout
le serveur est roux
la dame porte un châle
son compagnon l’écoute
un oiseau passe
il y a du vent dans l’arbre
et puis le regard s’élargit
embrasse toute la scène
s’imprègne de l’ambiance
pas beaucoup de monde
à cause du froid peut-être
on a envie de chanter
ah le petit vin blanc

allusions

l’étape est franchie
de la forme ne reste que
couleurs réinventées
et allusions
chaque chose
pourtant à sa place
on devine on imagine
on se laisse emporter
par la musique des teintes accolées
on voit la maison
on voit les arbres
on voit l’eau
ensuite
on ferme les yeux
et le spectacle continue
en chacun de nous

tache de soleil

tout le monde aurait voulu peindre
des taches de soleil
comme celles-là
un vrai rouge sang
qui tache
qui fait mal
et chaud au coeur
le vert est vert
la vie est contraste
la vie explose
comme une tache
de sang

rêve d'amour

symbole total du rêve
zeste de langueur
Madeleine sanglée
dans sa robe songe
et le temps
les arbres
l’eau se figent
pour l’escorter
dans son rêve
au Bois d’Amour
si bien nommé
sera-t-il exaucé

hiératique

hiératique sévère et nue
ambiance japonisante
tête égyptienne
dessin géométrique
que fait-elle là
entre ses deux vases
à quoi pense-t-elle
dans son jardin clos
qui attends-tu jeune femme
au ventre arrondi
à la peau parfaite

oriental

intimité féminine orientale dans la touche
sur le tapis voici même des babouches
mais où sont-elles ces femmes si bien nées
par le dessin simple des courbes et des attitudes
autour d’elles tout s’imagine tout se crée
dans l’absolue perfection de l’incomplétude

fragile

courbée du dos et des épaules
elle est fragile timide apeurée
recroquevillée
on n’ose imaginer
ce qui va se passer
peut-être l’enfant est-elle
tout simplement
en train de jouer
ou de sucer son pouce
avant de se mettre au lit

contre-jour

il fallait oser user
du contre-jour
dans la peinture
pour justifier avec éclat
le coup de pinceau
à la fois précis
et suggestif
les teintes improbables
du visage
le dessin parfait du profil
et le ton rêveur
on peut alors
rêver
c’est un jeu un bonus

serre

étrange endroit
la serre transparente
où tout se crée
dans la chaleur
et l’humidité
sous la lumière
éclatante
on y apprend
le soin la patience
on y cultive
l’espoir
l’attention
et peu à peu
tout renait

sensualité

imaginaire
de la sensualité
d’emblée
sans la connaître
on est attiré par elle
la femme en noir
dans les yeux
le sourire
elle porte
sa vie cachée
et comme un regret
un fond de tristesse
ses fins doigts
de pianiste
la langueur du poignet
en disent long
sur ses désirs
peut-être a-t-elle lu
Madame Bovary

il pleure

il pleure souvent
dans mon coeur
quels yeux
quel visage
quel front
et dans les couleurs
quelle audace
la lumière
blafarde
mortuaire
et pourtant
quel attrait
quelle gueule
on aimerait bien
le rencontrer
dans un bar

corbeau

pauvre douanier
quelle peur soudaine
a du l’envahir
à l’apparition
de ce corbeau saisissant
pourtant
à bien y regarder
la figure est ronde
et bonhomme
et dans les yeux
des nuages passent
comme une interrogation
elle ne doit pas être
si méchante que cela
elle grogne c’est sûr
mais parfois
peut-être
sourit-elle

métropolitain

c’est la lumière
qui nous attend
en haut des marches
on sort de l’obscurité
de la foule pressée
et la tête levée
on monte vers la vie
le bruit joyeux
la liberté d’aller
où on veut
sortir du métro
c’est un peu
aller au paradis

éveil

on peut errer
longtemps
dans le noir
sans savoir
qu’au fond de son être
naissent déjà
les nouveaux rayons
de lumière
un jour ce sera l’éveil
les sens purifiés
s’accorderont
à la vibration
d’un monde disponible
et ce jour-là
tout sera possible

noir

mille façons
de créer du noir
la plus simple
mélanger à la demande
rouge jaune et bleu
et le noir sera
pas étonnant alors
qu’il puisse s’habiller
de multiples teintes
et décrire en gradué
toutes les humeurs
de la joie à la colère
le noir est l’échelle
météo du cœur

mésange bleue

l’oiseau n’est pas
seulement ce petit être
charmant comme
la mésange bleue
il est aussi l’animal
au langage le plus évolué
de tous les animaux
du son aigu à la trille
où l’envolée flutée
mais aussi en dansant
en gonflant les plumes
il sait dire tellement
de choses diverses
qu’on en reste coi
écoutons-le

tablettes

elles pourraient être
tant de choses
ces tablettes
quatre commandements
de la vie
que chacun définirait
carrés de l’esprit
cartes à tirer au sort
pierres à tiroir secret
points cardinaux réinventés
livres statufiés
ou plus simplement
tout cela à la fois

touareg

je marcherai longtemps
pour te rejoindre là-bas
mes pieds seront légers
sur le chemin de la rencontre
je resterai longtemps
près de toi endormie
et puis je repartirai
rempli d’une force nouvelle
je dirai au vent du désert
prends soin de mon aimée
un jour je viendrai comme un roi
auprès d’elle seul et fier
fouler une dernière fois
le sable et la pierre

baleine

mi baleine mi bateau
la forme animale
glissait dans l’eau
dans un souffle puissant
ses antennes blanches
captaient l’univers
de sa gorge jaillit
le chant de la mer
un chant d’union
que tous entendirent
hommes et poissons

peuple cheval

peuple cheval
l’infini des plaines
ne lui suffit pas
il marche en groupe
il galope il rue
secoue sa crinière
naseaux ouverts
le peuple cheval
s’enivre de l’air
soleil ou crachin
il avance fièrement
par tous les temps
quel sera son destin

boule

une boule de pétanque
c’est beau c’est lourd
vieille et cabossée
elle brille plus
car elle est
présent et passé
une dans chaque main
le plus bel équilibre
quand le joueur la lance
son corps son âme
s’envolent avec elle
en l’air tous les souffles
sont suspendus
le temps aussi
et quand elle retombe…

herbe et terre

herbe et terre
avant après
joie des jours heureux
grisaille d’autres temps
et comme une vague de fond
qui nous fait progresser
corps et âme
sans regrets
quête proche et lointaine
difficile et évidente
peu importe
c’est le chemin qui compte
bonheur bonheur
de le parcourir

rêve rouge

cette nuit-là
le rêve fut rouge
c’est rare
un rêve en couleurs
d’habitude ils sont gris
mais là il était rouge
comme le sang
il roulait à toute vitesse
avec un bonnet d’âne
ses roues de bulldozer
écrasaient tout le monde
ça criait partout
c’est là
que je me suis réveillé

nénuphars

il faut oser
étudier le nénuphar
et pourtant tout y est
l’ambiance spéciale
du glauque exotique
les couleurs en camaïeu
qui s’épaulent
on entend la grenouille
on devine la libellule
on imagine la mare
et ses environs
et cette joyeuse humidité
qui l’entoure

cycle marin

l’huître boit la mer
la mer savoure le soleil
le soleil chauffe le rocher
le rocher se pare d’écume
l’écume emporte l’algue
l’algue se couvre de sel
le sel titille le couteau
le couteau attend la marée
la marée renvoie le poisson
le poisson caresse l’huître

archange

les pics émergent
d’un brouillard gris et noir
qui répond au blanc
de la neige
la montagne vierge
est une émergence
violemment belle
les nuées se survolent
dans un rêve fier
un archange
brandira bientôt
son épée de lumière
au-dessus des hommes

chantier

pas d’obstacle
à la création
tout est chantier
mortier
cœur idée
l’âme expose
ses visions
blocs et lignes
s’épaulent
traits et couleurs
s’enrichissent
l’élan est là
tout s’élève
tout s’en va
ailleurs
et s’imprègne

uniforme

l’uniforme est rouge
comme le soleil
ou la terre
de certains pays
les bleus mer et ciel
se croisent et s’épaulent
les arbres sont rectilignes
comme des murs d’école
dehors tout est droit
dans les cœurs
tout est rond

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier