écrin

la montagne est écrin
tremplin de mise en valeur
pour tous ses éléments
la fleur y est plus colorée
l’herbe plus grasse
la pente des toits plus abrupte
les lignes de perspectives
se chevauchent comme des croquis
l’âme humaine y est fière
le vent hurleur sait se calmer
et la fumée des cheminées
raconte des histoires d’amitié

grille

la lumière traverse
la grille de la pluie
trait d’espoir
tout se reflète
se complète
passé présent futur
le son rebondit
en goutte à goutte
sur la flaque
le cœur s’arrime
à la transparence
les portes de la vie
se sont ouvertes

la mer n'est pas calme

la mer n’est pas calme
elle vaque sans arrêt
tout bouge en elle
et mon âme avec
on ne chérit pas la mer
on la vit au fond de soi
avec les mêmes déchirements
les mêmes joies
jamais elle ne se taira
moi non plus

taille directe

prendre la matière
telle qu’elle est
suivre son idée
rêve de tout artiste
musicien ou poète
peintre ou sculpteur
parler en ligne droite
à l’âme au cœur
une pensée éphémère
façonne une vie durable
espérant au fond d’elle
que l’esprit sera visible
derrière la forme

orange

ce n’est pas la pomme
qui tenta l’homme
mais l’orange
elle a tout pour elle
la forme si douce
la couleur si vive
et cet admirable goût
amer et sucré
posez-là sur la table
tout s’éclipse
plus rien n’existe
le reste n’est que prétexte
elle est le centre du monde
on a déjà l’orange à la bouche

thé oriental

goût épicé
doucereux
geste délicat
guidant la parabole
du filet d’eau
vapeur flottant
en fines nuées
moment de chaleur
au milieu des couleurs

lumière du soir

on entend craquer
la vieille charpente
et les poutres lasses
la lumière pose
son filtre d’or tamisé
sur la pièce alanguie
le canapé attend
son visiteur du soir
venu d’un pas lent
il franchira la porte
se penchera pour saisir
le livre délaissé
et s’assiéra une fois de plus
le bras sur l’accoudoir
quelque part
une horloge fatiguée
décompte le temps

triplette

les trois fillettes jubilent
le parc est à nous
mais on ne court pas
tenons-nous la main
jusqu’à l’arrivée
c’est promis
quand on sera là-bas
personne pour nous voir
on pourra courir
comme des folles
mais là non
c’est décidé
on ne court pas

sable et mer

quand le sable et la mer
les nuages et le vent
le ciel et l’horizon
ne voudront plus former
qu’une seule trace
courant à l’infini
ton âme volera
avec les éléments
emportée par ton rêve
ta vie sera légère

promenade

je me promenais
sous les couleurs
éclatantes
des frondaisons
les arbres se voûtaient
pour abriter mes pensées
je marchais sur les tapis
teints de l'orient
doux comme le tamis
des souvenirs anciens
la journée s’étirait
en petits carrés d'infini

panthère

elle me regarda
longtemps
fixement
sans bouger  
moi non plus
je ne bougeais pas
dans ses yeux je vis
défiler ma vie
et le peu de cas
qu’elle en faisait
finalement
elle me jugea
insignifiant
et s’en alla
sans même 

même allure

l’homme et l’animal
marchent d’une même allure
plus rapide qu’on ne croit
ombres mêlées
sur la ligne de crête
le désert reconnaitra les siens
quand arrivera-t-on
un quart d’heure une heure ou deux
disent les berbères
les yeux éclairés d’un sourire
profond et bleu
venu de la nuit des temps

masques et signes

c’était un temps
de masques de signes
le monde magique
oubliait l’avant l’après
on se parlait sans mots
de pensée à pensée
la nature guidait
les gestes des êtres
qui doutaient encore
de l’union parfaite

alphabet

vingt cinq cases
l’alphabet coloré
d’un peuple joyeux
qui goûte la paix
après les souffrances
les signes dansent de joie
et se répondent
d’un coin à un autre
on a envie de jouer
avec eux pour créer
de nouveaux mots
qui diront l’allégresse
et chanteront l’avenir

lettre

le soleil couchant
lui chauffait l’épaule
visage à moitié caché
par son chapeau
elle lisait la lettre
lentement
mot à mot
pour en déchiffrer
le sens secret
longtemps
elle resta ainsi
tête penchée
puis ses mains tombèrent
lâchant la missive à terre
je crois bien
qu’elle pleurait

ligne bleue

la nature manquait encore
de formes adultes
sa peau s’étirait
transparente
en multiples couches
de limbes teintés
fallait-il suivre
la grande ligne bleue
ou chercher
à travers les vallons
moussus et touffus
son propre chemin

puzzle

la vie façon puzzle
tout s’emboîte
couleurs et formes
en harmonie
le village est un rêve
où tout irait bien
dans la rue chaude
et silencieuse
derrière les volets
et les portes fermées
on imagine des vies
secrètes et poétiques

lavande

l’odeur bien sûr
prégnante et camphrée
jusqu’au fond des narines
la couleur changeante au soleil
la courbe formelle alanguie
de plants frémissants
dans les champs les plus beaux
la danse des abeilles
le rictus des moustiques
la lavande est si belle
et sent si bon
qu’elle guérit tous les maux

frisson

c’est quand l’eau de la mer
mouille le haut de ta cuisse
que le frisson te prend
les épaules se dressent
les coudes se serrent
le plaisir attend
de surmonter ce moment
tu écartes doucement
l’eau de tes doigts
comme pour la tester
bientôt tu plongeras c’est sûr
mais pas tout de suite

haltes

la vie est un passage
d’un état à un autre
rames de métro
couloirs tunnels
sentier des douaniers
entre mer et rochers
chemin de halage
chahut des sentiments
ne pas se retourner
prévient Supervielle
marcher avancer
le cœur rebondit
d’une étape à l’autre
à chaque halte
l’âme se nourrit
d’une infusion
de vie nouvelle

inspiré de Le Passager, d'Anne-Sophie Larcena

l'étoile

la goélette à hunier
réplique des paimpolaises
pêcheurs de morue
pointe fièrement
son long bout-dehors
poulies et cabestans
sont durs à souquer
pour manœuvrer
quatre voiles d’avant
mâtereau étambot
sont réparés
le bateau-école
peut repartir

démesure

quand la mer et le soleil
se rencontrent
c'est un choc de démesure
ici la côte est pointue
comme l’accent
les couleurs explosent de vie
l’écume de murmures
une gaité virevoltante
balaie l’horizon courbe
et quand le vent s’en mêle
un tourbillon de folie
s'empare sans effort

musique

la musique est en lui
peut-être même
comme certains artistes
la voit-il en couleurs
la musique est plus forte
que les mots
dit Alessandro Barrico
elle délimite
un monde à part
rythme et relief
où noble le silence
a gagné sa part
et qui parle à l’âme
en ligne droite
un monde ouvert
à qui veut
lui donner son cœur

barques de pêche

tirées sur la grève
les larges barques
au franc bord coloré
se racontent furtivement
leurs parties de pêche
et de promenade
pas le temps de se reposer
bientôt elles repartiront
à nouveau sur les flots
comme chaque jour

esquisse

parfois un bateau est juste
une esquisse de forme
un reflet dans l’eau
la proue fière clame
c’est moi la briseuse de flots
la coque s’affiche
comme un étendard
cachant le carré cosy
où le marin s’abrite
les jours de mauvais temps

Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier