toujours quelque part

il y a toujours quelque part
un chien qui aboie
le cri affreux d'un corbeau
une vieille femme en noir  qui étend son linge d'un air las
des nuages en désordre qui vous surveillent
et une mouche pour vous agacer

il y a toujours quelque part
des pierres encore des pierres
sur lesquelles vous butez
et de l'herbe brûlée par le temps
un papillon qui vient vous dire bonjour
un vert lointain où poser le regard
et des horizons plus grands que votre âme

il y a toujours quelque part
une montagne hautaine
au vent libre et frais
une source guillerette
sautillant entre les rochers
le soleil qui joue avec les ombres

il y a toujours quelque part
une flèche d'église tellement plus haute que les toits
un village en équilibre sur son éperon

il y a toujours quelque part
un air d'éternité pour se moquer de vous
et au milieu de tout
il y a toi qui me souris

ode à un porche gris

les années l’ont vieilli il s’en fout blasé
il a du en voir passer des courtisanes et des dandys
des maquerelles fardées des spadassins masqués
et compté les soirs où se croisaient la mort et la vie

combien d’amoureux se cachèrent pour une étreinte tendre
leurs fronts côte à côte appuyés sur le verre jauni
derrière l’œil-de-bœuf éclairant faiblement une soupente
combien de jeunes filles pauvres ont soupiré sur leur vie

la porte aux montants majestueux vous dit de sa hauteur
passez votre chemin manants peuple de la rue
ici ne vivent que d'honnêtes gens de vertu
qui protègent les secrets d'un sobre bonheur

on ne voit plus la sonnette qui alertait le gardien des lieux
donnant l' accès à l'ilot de la cour aux appartements cossus
cerbère tout puissant de vos destins domestiques heureux
sans lui vous resteriez dehors craintif frigorifié menu

et siècle après siècle les destins ont passé
laissant leurs encoches entailles et fêlures
avec le temps le porche est devenu moins dur
et comme nous le voici gris blanc et courbé

écho

elle est partie
ne laissant dans la maison vide que l’écho de ses pas pressés
un sillage invisible ses cheveux ondulants
les molécules d’un parfum chaud sa peau
le souvenir d’un murmure rauque sa voix chantante

elle est partie
et tout s'est arrêté
dans les vases les fleurs ne respirent plus
aux murs les tableaux penchés font grise mine
le piano ne frémit plus d’une corde
sur les étagères les livres s’affaissent dans la poussière
le chat se terre sous le lit
mais quand reviendra-t-elle

remplie de ses indices statufiés
momie ébahie
la maison vide retient son souffle
dans une chasse au trésor de l'amour
traqueur il cherche des pistes
comme la fumée est l’indice du feu
la larme qui glisse sur la joue
l'annonce de la souffrance
la trace de pas sur le sable
le reste de quelqu’un venu marcher là exprès
mais ici pas de marque sur le parquet de la chambre
et pourtant il y voit encore ses pieds nus de danseuse effleurer le sol
glissant comme sur un tapis roulant
mais quand reviendra-t-elle

partout où il tourne son regard
il ne voit qu’elle
comme s’il n’avait jamais habité ici
dans le salon c’est là qu’elle s’asseyait près de la fenêtre
souvent elle poussait la table d'un geste las
pour se rapprocher de la lumière du jour

sur le meuble se dessine encore un contour dans la poussière
là où trônait son ordinateur blanc
il clignotait la nuit comme un phare pour dire
dormez-bien jeunes gens je veille sur vos amis

dans la chambre il entend le lit gémir
du jour où il s'effondra de leurs jeux
il se souvient de l’air fendu
par ses lents mouvements de taichi
exécutés au pied du lit
où il paressait encore
et là tu la sens la cigogne qui prend son envol tu la vois
murmurait-elle dans une posture interminable
un film au ralenti
de son regard ensommeillé
il finissait par imaginer le grand volatile

aujourd’hui encore de ses yeux tristes
il devine une ombre chinoise dans l’espace vidé de ses gestes
rempli de son absence
l’oiseau s’est envolé dans les nuages
et le monde n’est qu’un néant d’objets sans âmes
mais quand reviendra-t-elle

tiens la voilà
elle était juste sortie acheter des cigarettes
le cinéma qu’on se fait parfois c’est dingue
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier