port launay

Là-haut le morne retient les nuages
Sur un rocher à l'entrée de la baie
Une croix dit peut-être
Qu'ici des hommes ont péri

Le ciel est aussi chargé
Que le silence est léger
Une houle du nord pas méchante
Vient mourir sur la plage

L'anse est profonde et calme vivante
Sur le rivage
La barque de pêcheur blanche et jaune
Se balance
Immuablement

Une tortue sort sa tête de l'eau
Comme un périscope
Elle regarde si tout va bien
Puis elle disparaît

Un banc de poissons argentés
Poursuivi par un invisible requin
Joue à saute-mouton sur les vagues

Des chauves-souris grosses comme des corbeaux
Piaillent dans les grottes granitiques
D'autres traversent la baie
Battant l'air d'un air abattu
Avec leurs drôles d'ailes à l'envers

De temps en temps
D'un bruit sec
Une noix tombe d'un cocotier

Sur la plage
L'ombre pieuvre des takamakas
Protège le sable

Là-haut le morne retient les nuages

Seychelles janvier 2005

anse d'argent

rochers récifs l'océan
rides du sable et de l'eau
figées ici mouvantes là-bas 
ici tous les verts là-bas tous les bleus
au loin la goélette passe
langoureusement
les petits oiseaux blancs
saluent la mer d'une aile de velours
un si doux effleurement
j'aimerais tant être cette eau vivante
caressée par le souffle d'un instant

Seychelles janvier 2005

genou dans la nuit

extérieur nuit 
ambiance plage tropicale 
d'abord le son roque des rouleaux 
grondement qui enfle et qui dure 

premier plan 
un genou de femme 
sans doute allongée les jambes repliées 

deuxième plan 
l'écume de vagues longues 
qui s'enroulent se déroulent 

incidemment au bord de l'eau 
de petits crabes blancs courent comme des fusées 
après un départ catapulte 

arrière-plan
les lumières d'un rocher un hôtel peut-être 

et le roulement revient occupe toute la scène 
on ne voit plus que ce genou sur fond d'écume 
ce genou chair devant la vague laiteuse 
ce bout de statue face aux allers-retours de la mer 
la vie immobile et qui finira 
face à la vie qui bougera toujours

rien à dire

rien à dire 
le ciel est sale 
les regards fuient 
le bruit partout 
un jour d’hiver 
sans pluie 
sans pli 
sempiternel 
marcher 
respirer 
je la croise 
un sourire 
non 
tant pis 
m'en fous 
j’existe encore

pluie des tropiques

ce qui tombe du ciel 
n'est pas un crachin breton 
c’est une infamie 
de l'eau lourde et méchante 
la goutte épaisse et bien grasse 
sans chichis 

cette pluie ne s'insinue pas elle frappe 
elle veut tout tremper 
les petits et les gros 
le cou le genou les endroits sensibles 
sur la peau et sur la terre 
des doigts de pieds jusqu'aux cimes des arbres 
rien ne lui résistera 

ce n’est pas un rideau cette pluie 
c'est une grille une prison un marteau 
quand elle vous vient dessus 
comme ça 
sans prévenir 
vous n’êtes plus qu'une mare 
une dégoulinade 
rien ne sert de résister 
c'est foutu 

et puis au moment où vous allez hurler 
sur cette averse ennemie 
pluie brutale des ténèbres sans vent 
violeuse d’espaces et de temps 
hop elle est partie 
aussi légère qu'une plume
la garce 

et vous restez là comme un sourd 
les bras ballants le souffle court 
l’œil humide sans aucune arme 
baptisé pour l'éternité 
enchainé à un sol en loque 
tandis que la dernière larme 
quittant votre sourcil dressé 
tombe sur le sol mouillé floc
Conseil: une fois sur les poèmes, passez d'un texte à l'autre avec les flèches du clavier